Claude DEBUSSY
Trois nocturnes, L 98 (L 91)
Tryptique symphonique pour orchestre et voix de femmes
Choeur de femmes, Orchestre de la Suisse Romande
Ernest ANSERMET
Octobre 1951, Genève, Victoria-Hall
C'est une série de tableaux impressionistes éponyme de James McNeill Whistler (1834-1903), que Debussy appréciait particulièrement, qui sont à l'origine de ce triptyque symphonique.
Le projet initial de l'oeuvre - remontant à 1892 - s'intitulait «Trois scènes au crépuscule»; il se mua par la suite en «Trois Nocturnes» pour orchestre et violon principal, cette partie de violon étant écrite à l'intention de Eugène Ysaÿe. Il ne resta toutefois rien de cette version, suite à une brouille entre le compositeur et son interprète.
La version définitive fut écrite entre décembre 1897 et décembre 1899, donc alors que Debussy travaillait à son Pelléas; les deux premiers Nocturnes furent joués pour la première fois le 9 décembre 1900 aux Concerts Lamoureux sous la direction de Camille Chevillard, l'oeuvre entière le 27 octobre de l'année suivante, toujours chez Lamoureux. Au cours des années qui suivirent, Claude Debussy modifia l'orchestration, principalement dans «Fêtes» et «Sirènes».
Une courte description de l'oeuvre:
"[...] Le titre «Nocturnes» veut prendre ici un sens plus général et surtout plus décoratif. Il ne s’agit donc pas de la forme habituelle du «Nocturne», mais bien de tout ce que ce mot contient d’expression et de lumières spéciales.
«Nuages» — C’est l’aspect immuable du ciel avec la marche lente et mélancolique des nuages, finissant dans une agonie grise doucement teintée de blanc.
«Fêtes» - C’est le mouvement, le rythme dansant de l’atmosphère avec des éclats de lumière brusque. C’est aussi l’épisode d’un cortège (vision éblouissante et toute chimérique) passant à travers la fête, se confondant en elle; mais le fond reste, s’obstine et c’est toujours la fête, et son mélange de musique, de poussière lumineuse participant à un rythme total.
«Sirènes» - C'est la mer et son rythme innombrable, puis parmi les vagues argentées de lune s'entend, rit et passe le chant mystérieux des sirènes.
Il n’y a pas une explication à ajouter à ces quelques mots que l’auteur des «Nocturnes» a écrits lui-même sur son oeuvre. La personnalité de Debussy ne se discute plus; elle s’est affirmée comme la plus accusée d’une génération de musiciens qui, aujourd’hui, a dit l’essentiel de ce qu'elle avait à dire. Son oeuvre nous apparaît comme l’incarnation en musique de l’esprit qui s’exprime en littérature par le symbolisme et en peinture par l'impressionnisme. Et telle est sa vigueur, sa sûreté et sa perfection que l’on a pu dire quelle avait réalisé, dans Pelléas et Mélisande, le chef-d’oeuvre du symbolisme, et dans les «Nocturnes» le chef-d’oeuvre de l’impressionnisme. Les «Nocturnes», parus en 1899, appartiennent en effet à l’époque la plus importante de l’activité créatrice de Debussy. Et ce sont bien des modèles d’impressionnisme, ces morceaux qui ne cherchent pas dans le sujet un prétexte de lyrisme, de pittoresque ou d’anecdote, qui n’en transposent pas l’expression dans une forme abstraite préconçue, mais qui semblent le recréer en musique, réaliser en matière sonore son apparence formelle, dans son devenir, avec ses affinités et son atmosphère. Un tel art exige de La spontanéité. L’esprit n’y intervient pas en commentateur; il n’y apporte que la conscience des sensations. C’est l’émotion qui crée sa forme. [...]" cité du programme du onzième concert d'abonnement donné le samedi 20 mars 1920 au Victoria-Hall de Genève par l'Orchestre de la Suisse Romande sous la direction d'Ernest Ansermet: les trois Nocturnes terminaient le concert.
Ernest ANSERMET a enregistré cette oeuvre deux fois pour le disque, en 1951 - en mono - et en 1957 - en mono et en stéréo.
L'enregistrement de 1951 - SAR587-92, Pr: Victor Olof Eng: Gil Went, octobre 1951, Victoria-Hall Genève - est paru couplé avec la Rapsodie espagnole de Maurice Ravel en mars 1952 sur le Decca LXT 2637 et en juin 1952 sur le London LL 530, puis sur Richmond/London B 19044, ainsi que seul sur le 25cm Decca LW 5283.
Le disque de 1951:
Claude Debussy, Trois nocturnes, Tryptique symphonique pour orchestre et voix de femmes, L 98 (L 91), Choeur de femmes, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, octobre 1951, Genève, Victoria-Hall