Nikolai RIMSKI-KORSAKOW
Shéhérazade, poème symphonique, op. 35
Lorand FENYVES, violon-solo
Orchestre de la Suisse Romande
Ernest ANSERMET
octobre-novembre 1960, Victoria Hall, Genève
Composée en 1888, Shéhérazade - l’une des oeuvres les plus populaires de Nikolai Rimski-Korsakow - est inspirée des «Mille et une Nuits», un recueil de contes rédigés au Moyen-Âge dans une région s’étendant de l’actuel Irak à l’Egypte.
Dans l'adaptation musicale de Rimski-Korsakow, il est toutefois inutile de chercher une traduction musicale minutieuse des récits indiqués par les sous-titres. L'oeuvre parle à sa façon des contes de fée, par l’enchaînement des images et les caprices de la fantaisie, ainsi que Rimski-Korsakow l'a lui-même écrit:
«C’est en vain que l’on cherche dans ma suite des leitmotivs toujours liés à telle idée poétique ou à telle image. Au contraire, dans la plupart des cas, tous ces semblants de leitmotive ne sont que des matériaux purement musicaux, des motifs du développement symphonique. Ces motifs passent et se répandent à travers toutes les parties de l’oeuvre, se faisant suite et s’entrelaçant. Apparaissant chaque fois sous une lumière différente, dessinant chaque fois des traits différents et exprimant des situations différentes, ils correspondent chaque fois à des images et des tableaux différents. [...] Pourquoi ai je donc intitulé ma suite Shéhérazade? Parce que ce nom, ainsi que le titre des Mille et une nuits, fait naître chez tout un chacun des images de l'Orient et de ses merveilles fabuleuses, et qu'en outre certains détails du discours musical font allusion au fait que tous les récits proviennent d'une seule et même personne, cette Shéhérazade qui a su captiver ainsi la curiosité de son redoutable époux.»
cité de «Rimski-Korsakow, Chronique de ma vie musicale», traduction d'André Lischke.
L'oeuvre fut donnée en première audition à Saint-Pétersbourg le 3 novembre 1888, sous la direction du compositeur.
"[...] La sultane Shéhérazade [...] est la légendaire princesse, intelligente et belle, dont la verve et l’imagination surent endormir la cruauté de son époux et maître, le sultan Schahriar, pendant mille et une nuits. On sait que ce tyran avait coutume — persuadé de la nature fausse et infidèle des femmes — de faire mourir ses épouses successives, sitôt la première nuit des noces. Or, Shéhérazade entreprit, pour échapper à ce malheureux sort, de conter à son prince de merveilleuses fables, dont elle remettait toujours la suite à la prochaine nuit. Piquant et enflammant ainsi la curiosité charmée du barbare, elle parvint au bout des mille et une nuits, à le faire renoncer à tout projet sanguinaire. [...]"
Ce sont les péripéties de ces longs récits que racontent les quatre pièces de la suite symphonique. Sans cesse, deux éléments interviennent:
"[...] un thème vigoureux et âpre, qui symbolise [...] le sultan Schahriar, et une mélodie de violon, ondulante et souple comme Shéhérazade elle-même. Ces deux éléments sont les personnages sans cesse présents aux péripéties des quatres récits essentiels; le sujet des récits amène les thèmes accessoires et justifie le style ou le tour de chaque morceau. [...]".
Dès le début de la première pièce, "[...], un thème violent, en pleine force (largo maestoso), traduit la dureté de coeur du Sultan. Un motif caressant en sextolets, confié au violon solo, représente Shéhérazade et son insinuante habileté. Le récit même de la conteuse est représenté musicalement par une succession tranquille de valeurs égales. Le développement se construit sur ces trois éléments et il aboutit, à la fin du premier morceau, à une conclusion où le thème du Sultan apparaît adouci, humanisé, aux flûtes et ensuite aux violons. [...]"
Dans le deuxième tableau "[...] de nouveaux thèmes apparaissent, mais ils sont étroitement apparentés à ceux du premier morceau et, pour finir, nous entendons les deux motifs du Sultan et de la Sultane s’unir en signe d’une paix bien établie. [...]"
La troisième pièce a un caractère idyllique prononcé. "[... ] Ici, nous rencontrons une idée tout à fait nouvelle [...]. Mais le thème de Schahriar ne figure pas une seule fois dans les développements, comme pour indiquer à quel point le sultan est conquis.
Au commencement du dernier morceau, le Sultan semble être de mauvaise humeur; sa voix terrible se fait entendre. Shéhérazade ne peut commencer son récit. Elle y parvient cependant. Alors la Fête à Bagdad déroule ses splendeurs féériques. Puis c'est le Voyage en mer, le Naufrage. Le récit est terminé. Le Sultan renonce à ses projets sanguinaires, et tout s’achève dans la tendresse de la réconciliation définitive. [...]" cité du programme du premier concert d'abonnement de l'Orchestre de la Suisse Romande donné le samedi 30 novembre 1918 au Victoria-Hall, dirigé par Ernest Ansermet: cette suite terminait le concert. Le texte fut ensuite repris dans plusieurs autres descriptifs de concert d'Ernest Ansermet avec cette oeuvre.
Recto de la pochette du disque SXL 2268
Ernest ANSERMET a enregistré Shéhérazade pour DECCA à trois reprises. Il réalise son premier enregistrement en 1948 avec l' Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris, le violon-solo étant Pierre NERINI, le premier violon de l'orchestre. L'enregistrement parait sur 78 tours (décembre 1948, AK 1980-85), puis l'année suivante sur 33 tours (LLP 6, août 1949), voir cette page de mon site.
Entretemps Decca commence d'enregistrer en stéréo, plus ou moins expérimentalement. À cette époque les enregistrements mono et stéréo étaient réalisés simultanément, mais des équipes de prise de son différentes: pour ces enregistrements, il est ainsi souvent intéressant de comparer les enregistrements mono et stéréo.
Les 22 et 23 septembre 1954, Ernest Ansermet enregistre donc à nouveau Shéhérazade, avec le même orchestre: l'enregistrement paraît en mono sur les disques Decca LXT 5082 (septembre 1955) et LONDON LL 1162 (octobre 1955). L'enregistrement stéréo n'est publié que trois ans plus tard sur les disques CS 6018 (septembre 1958) et SXL 2086 (janvier 1959): il s'agit toutefois d'une stéréo encore à ses balbutiements.
La prise de son ayant fait très rapidement encore plus de progrès, Ernest Ansermet enregistre cette oeuvre une troisième fois en octobre/novembre 1960, toujours pour Decca, mais avec "son" Orchestre de la Suisse Romande, le violon-solo étant Lorand FENYVES, à l'époque premier violon de l'OSR. Première parution: disques Decca LXT 5628 resp. SXL 2268, mai 1961, et (Decca) London CM 9281 resp. CS 6212, octobre 1961. Le verso du disque fut complété avec les Danses Polovtsiennes No 8 et No 17 du Prince Igor d'Alexander Borodin.
Pour être complet, il faut encore mentionner qu'Ernest Ansermet avait enregistré deux extraits de cette oeuvre en 1916 déjà, à New York avec l'Orchestre des Ballets Russes de Diaghilev. Il s'agissait bien entendu d'un enregistrement acoustique.
Voici donc...
Nikolai Rimski-Korsakow, Shéhérazade, poème symphonique, op. 35, Lorand Fenyves, violon-solo, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, octobre-novembre 1960, Victoria Hall, Genève
1. La mer et le vaisseau de Simbad
Largo e maestoso — Allegro non troppo 10:04 (-> 10:04)
2. Le récit du prince Kalender
Lento — Andantino — Allegro molto — Con moto 11:11 (-> 21:15)
3. Le jeune prince et la jeune princesse
Andantino quasi allegretto — Pochissimo più mosso
— Come prima — Pochissimo più animato 09:37 (-> 30:52)
4. Fête à Bagdad - La Mer - Le Vaisseau se brise sur
un rocher surmonté d'un guerrier d'airain
Allegro molto — Vivo — Allegro non troppo maestoso 12:26 (-> 43:18)
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Ernest ANSERMET, une photo soigneusement retouchée par Claude-André Fradel: publiée dans la revue High-Fidelity de mars 1959, elle avait été honteusement partagée sur deux pages. Elle est ici recadrée - coupée à côté de la lampe à gauche -, afin de pouvoir mieux l'éclaircir: voir cette page de Notre Histoire pour l'original de Claude-André Fradel
Ernest ANSERMET à son bureau, il était un gros fumeur...
Étiquette recto du disque SXL 2268
Étiquette verso du disque SXL 2268